Pacte ou pas pacte ? Par Olivier ROSIER, secrétaire académique du syndicat des lycées professionnels, le SNETAA FO

Lettre télématique octobre 2023

Lettre télématique octobre 2023

Pacte ou pas pacte ?

Que ce soit dans la littérature ou dans les films américains de série B, le diable n‛est pas souvent présenté avec des cornes et une queue fourchue mais plutôt en costume-cravate et toujours respectable en apparence.

Il propose toujours la même chose : richesse et gloire, à condition de signer un pacte dont les conséquences seront terribles après un laps de temps plus ou moins long.

Eh bien, le pacte qui nous est présenté aujourd‛hui, dans l‛éducation nationale et dans la fonction publique, est diabolique à plus d‛un titre.

D‛abord, il nous promet la fortune. Quelle illusion ! En effet, l‛octroi d‛indemnités pour des « briques » ou des « parts » de pacte permet au gouvernement de ne pas répondre à la problématique de nos métiers, l‛augmentation des salaires. Le point d‛indice, base de notre salaire, va continuer à stagner, détournant des fonctions publiques la jeunesse de notre pays.

Pire, en favorisant le remplacement de courte durée ou d‛une durée plus longue d‛ailleurs, le pacte tue l‛emploi. Déjà des inspecteurs ne cherchent plus d‛enseignants pour les remplacements et même, dans certaines disciplines, de contractuels pour boucher les trous en début d‛année. Pourquoi se décarcasser quand des collègues vont se partager les postes vacants ? Dès lors, un contractuel qui accepte le pacte prend le risque de voir son poste disparaitre si un titulaire de sa discipline décide de suivre le chemin l‛année suivante. Le gain financier actuel vaut-il le risque de perdre son emploi ?

Pour le titulaire, la question du gain est également à se poser. Puisque le remplacement limite les créations de postes, pourquoi ne pas en supprimer ? Le ministre vient d‛annoncer des suppressions…Mais un titulaire est moins concerné car, même si son poste est supprimé, il bénéficiera d‛une mesure ce carte scolaire pour en retrouver un. Sauf que les promotions à la hors-classe et à la classe exceptionnelle sont calculées en fonction du nombre de titulaires. Moins il y a de titulaires, moins il y aura de promus ! Ceux qui signent et qui ne sont pas « classe exceptionnelle » vont donc arrondir leurs fins de mois pendant quelques temps mais ils attendront plus longtemps une promotion et donc perdront de l‛argent à terme, surtout au moment du départ à la retraite dont le calcul se fait sur l‛indice détenu les six derniers mois de carrière. Lors du dernier conseil technique ministériel, notre ministre a fort bien expliqué le mécanisme quand il fut interpellé par les élus des personnels sur la baisse du nombre de promus à la hors-classe : il y a moins de promus car moins de titulaires.

Le pacte tue donc l‛emploi et le salaire. Et ce n‛est pas tout, il y a un plus grand danger encore. Je me souviens d‛une réponse d‛un DRH, il y a quelques années, lorsque j‛évoquais les difficultés des conditions de travail des PLP. « Arrêtez monsieur Rosier ! Vous avez de nombreux collègues qui dépassent l‛obligation réglementaire de service. Je peux vous affirmer qu‛un nombre non négligeable atteint les 23 heures. C‛est donc pas si difficile d‛être PLP ! ».

Grace au pacte, la règle des 18 heures plus 2 va encore être écornée… Ce DRH, en fin de réunion et par provocation, m‛indiquait qu‛il était favorable au 23 heures pour tous. D‛ailleurs, pour lui, il n‛était pas normal que les professeurs des écoles aient un temps de travail supérieur à celui des autres enseignants. Depuis, le ministre Peillon a introduit une notion de 1607 heures dans notre temps de travail, ce qui permet à notre président de prévoir un allongement de notre service de quelques semaines pendant l‛été. Le pacte renforce l‛idée que nous pouvons travailler plus, de là à l‛imposer il n‛y a qu‛un pas qu‛un président non rééligible peut franchir. Oh, il mettra un peu de sous sur la table mais pas en augmentant le point d‛indice, il fera sauter cette notion en même temps que les statuts de la fonction publique.

Personne ne peut nier cette volonté présidentielle, n‛a-t-il pas lancer un « conseil national de la refondation », un CNR, même abréviation que le « conseil national de la résistance » d‛où sont issus les statuts de la fonction publique.

Le pacte, qui n‛est pas uniquement à l‛œuvre dans l‛éducation nationale, mais aussi à l‛hôpital, vise donc clairement à tuer la fonction publique en individualisant les rémunérations et en détruisant les références à une durée hebdomadaire du temps de travail.

Qui aura gagné quoi au bout du compte ? Pour quelques centaines d‛euros à court terme, il n‛y aura plus de référence au 18 heures, les vacances scolaires ne seront plus celles des enseignants, les promotions seront retardées, des postes seront supprimés…

Surtout ne croyez pas qu‛il s‛agisse d‛un risque éloigné, notre président quitte le pouvoir en 2027 et nous sommes bientôt en 2024. Il veut marquer l‛histoire, dès qu‛il aura une fenêtre de tir, il la saisira. Nous serons alors à nouveau contraints de descendre dans la rue pour défendre nos acquis…