Loi école de la confiance » : courrier de l’UD FO 49 à tous les Maires et députés du département du 1er avril. Seulement trois élus ont répondu…

Mme Stella Dupont est, à ce jour, la seule élue à nous avoir reçus le vendredi 12 avril. Elle a pris bonne note des arguments et indiqué qu’elle ne demanderait pas l’abandon du texte (ce qui était la revendication portée), qu’elle « proposerait simplement des évolutions et des amendements » … La commune de Brissac « a pris connaissance de notre courrier » et Mme de Saint Paul (rv en … juin)

La Secrétaire Générale

à Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Députés du Maine-et-Loire
Angers, le 1er Avril 2019

Objet : Projet de loi intitulé “Pour une école de la confiance”

Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Députés du Maine-et-Loire,

Vous n’êtes pas sans constater dans le département la mobilisation croissante des personnels de l’Education Nationale contre le projet de loi intitulé « pour une école de la confiance ».

Force Ouvrière s’est toujours attachée à défendre l’école de la République, soit une éducation laïque et gratuite, accessible à toutes les familles du Territoire, normée par des horaires, des programmes et des diplômes nationaux, et pourvoyeuse, par voie de conséquence, de qualifications identifiables et reconnues par des conventions collectives.

Le projet Blanquer porte des atteintes gravissimes à cette école.

Par ce courrier, Force Ouvrière tient à vous en expliquer la teneur.

1- Sur l’école maternelle

Avec l’abaissement de l’obligation scolaire à l’âge de trois ans, les écoles maternelles vont mécaniquement entrer
dans le champ de la loi Debré : les maternelles privées sous contrat vont pouvoir prétendre à un financement
public. Outre le surcoût de cette mesure pour les communes (150 millions d’euros selon le Réseau Français des
Villes Educatrices) il est légitime de s’interroger sur le devenir de la mixité sociale, mais aussi sur celui de la laïcité, avec une ouverture si précoce à des enseignements optionnels qui pourront être de type confessionnel.

Si la scolarité devient obligatoire dès 3 ans, elle creuse dans le même temps les premiers sillons entre les familles.

L’article 4 bis, même réexpliqué par un ministre en difficulté, ouvre une brèche inacceptable avec le statut ambigu
des « jardins d’enfants » : ces structures de tous ordres, municipale, intercommunale, privée, animées par des
personnes qui ne sont pas des enseignants, assumeraient pendant une période transitoire les missions
traditionnellement allouées aux écoles maternelles, le temps de se mettre en conformité avec la loi. Est-ce à dire
que l’enseignement dispensé par des collègues diplômés et formés entre autres à une « éthique responsable » est
aussi facilement transférable ?

2- Sur la création d’Établissements Publics des Savoirs Fondamentaux (art. 6 quater)

L’article 6 quater vise à fusionner les écoles et les collèges dans des « EPSF », c’est-à-dire des regroupements de
classes de la petite section de la maternelle à la classe de troisième. Le principal du collège deviendrait directeur
d’école par délégation ; les élèves seraient amenés à partager des locaux, des salles de classes, des installations
sportives, une cour de récréation. Quant aux enseignants du premier et du second degré, qui appartiendraient à
une même entité et seraient soumis à une même autorité, ils devraient être incités logiquement à se remplacer les
uns les autres, puisque les passerelles pédagogiques, aussi fragiles soient-elles, sont officiellement mises en place
depuis trois ans : le cycle 3 CM2 – 6ème ; le conseil école-collège ; l’initiation aux langues vivantes dispensée dans
les écoles primaires par des professeurs de collège ; l’évaluation par compétences.

C’est donc un démantèlement sans précédent des structures fondamentales de notre école qui s’organiserait, et
cela, sur la base d’expérimentations très isolées en France : la tentative avortée d’établir à Angers, dans le réseau
Jean Lurçat un « établissement public du socle commun » n’a pas pu s’appuyer sur un seul exemple de réussite
dans les autres académies…

Cette mesure ne peut donc se justifier que par une volonté de réduire des coûts ; de fait, l’objectif avéré du Ministre est d’inclure les 45 000 écoles actuelles dans 18 000 établissements : 80 % des écoles seraient ainsi supprimées, ainsi que leurs postes de directeurs. Dans un tel contexte, cela va sans dire, les statuts des enseignants seraient complètement pulvérisés.

3- Sur les missions des enseignants

L’école publique subit depuis plusieurs années des contraintes grandissantes ; elle a pour mission d’inclure dans
des classes ordinaires, toujours un peu plus chargées, non seulement des élèves en situation de handicap divers,
mais aussi des mineurs allophones non accompagnés. Les équipes éducatives doivent individualiser des suivis,
élaborer des activités spécifiques, sans oublier de mener des projets pédagogiques ambitieux pour l’ensemble de
leurs classes, d’assurer des heures de remplacement, voire de prendre en charge des missions d’orientation et de
direction quand le personnel fait défaut.

Sans prendre acte des bilans alarmants dressés par les personnels et les parents, La loi Blanquer prévoit d’accroître plus encore les missions des enseignants, avec un « renforcement de l’école inclusive » : il vise, c’est au chapitre III, à supprimer les Établissements et Services Médico-sociaux (IME, SESSAD, ITEP) au profit de « dispositifs d’inclusion » et de « partenariats institutionnels entre Agence Régionale de Santé et Éducation nationale », vertébrés par des contraintes budgétaires locales. Des « pôles inclusifs d’accompagnement localisés » (PIAL) seraient créés dans chaque département, ce qui revient en termes clairs à diminuer la part de soins pour les élèves en situation de handicap et à les maintenir le plus possible dans des salles de classe, sans moyens ni enseignement adapté – sauf à parier sur le dévouement infini des professeurs.

4- En parallèle avec la loi Blanquer

Il n’y a en fait aucun pari, puisque le gouvernement semble tout mettre en oeuvre pour rendre l’école publique plus dysfonctionnelle encore.

« Promus » enseignants tout terrain avec des élèves de 3 à 15 ans, les nouveaux « super-instituteurs », dotés de
compétences polymorphiques, surchargés de travail et accessoirement de journées de formation, pourront malgré
tout être remplacés au pied levé par des contractuels issus de Pôle Emploi, voire des surveillants de leur
établissement dotés d’une Licence (un profil qui se fait de plus en plus rare, notons-le en passant) … Le syndicat
Force Ouvrière reste médusé par un tel tour de force….

Est-ce à dire que seuls des contractuels en attente de titularisation ou des AED désireux d’obtenir une prime en fin de mois oseront accepter un emploi infaisable et qui ne s’adosse qu’à certaines applications du Code du Travail?

Bien entendu, prévoyant quelques problèmes, le projet de loi prévoit au nom des « expérimentations locales » la
possibilité d’adapter les horaires d’enseignement, en fonction des moyens existants – autrement dit, des personnels disponibles. On connaissait les déserts médicaux, on découvrira les déserts scolaires – en zone rurale, notamment, où le départ d’un professeur expérimenté signifiera probablement la fermeture d’une option.

Pour couronner le tout, avec des diplômes reposant sur des examens locaux, adossés essentiellement au
programme abordé dans l’année, en tout ou partie, les évaluations des établissements deviendront opaques,
puisque mécaniquement, chaque équipe aura tendance à valoriser ses élèves pour ne pas détériorer la réputation
de son collège et / ou lycée, ou pour être évaluée positivement par sa hiérarchie.

Dans peu de temps, les diplômes « nationaux » auront une valeur différente selon la réputation de l’établissement
où ils auront été obtenus. Un bac siglé « Henri IV » ou « Louis-Le Grand » bénéficiera d’une reconnaissance plus
grande, gageons-le, qu’un bac obtenu dans un lycée rural du Maine-et-Loire, par exemple, dans lequel les options
à valeur ajoutée auront disparu faute de professeurs. La mise en place de diplômes certificatifs parallèles délivrés
par des organismes privés relèverait dans ce contexte d’une logique parfaitement compréhensible.

Les « expérimentations » du projet Blanquer ne s’arrêtent pas là : elles visent en plus à encourager la « coopération avec les partenaires du système éducatif », en particulier des groupes de pression économique privés qui entreraient ainsi à l’école. A quand la page de publicité entre deux cours ?

5- Quelle solution pour les parents ?

Si cette réforme venait à voir le jour, l’école publique offrirait un tableau désastreux pour les jeunes parents,
contraints de prendre rendez-vous avec un principal de collège (s’il s’en trouve encore, car la pénurie des personnels de direction est un problème sans solution) pour évoquer la situation de leur enfant, en espérant qu’il parvienne à l’identifier… Quelles possibilités de communication restera-t-il aux enseignants expérimentés, aux fonctionnaires – le mot n’est péjoratif que dans certaines bouches – confrontés à des cohortes d’élèves toujours plus hétérogènes mais soumis à des pressions locales pour obtenir de bons résultats, et à qui on interdira, au nom des valeurs d’« exemplarité » et d’« engagement » (article 1 de la loi Blanquer), de parler franchement ?

Quant aux enseignants-contractuels, au lieu d’être les experts attendus dans l’art de soigner l’ignorance, ils
risqueraient plutôt de l’incarner….

Mesdames et Messieurs les élus, comment pourrait-on accepter un tel projet qui pulvérise à ce point la cohésion
territoriale ? Comment envisager de mettre en oeuvre une loi qui brandit la notion d’« expérimentations » pour
refondre l’école de la République et prépare sa privatisation à marche forcée ? Comment collaborer à une réforme
qui organise la pénurie d’enseignants formés et prétend en même temps la pallier par la déqualification et la
précarisation ?

Force Ouvrière tient à vous rappeler que les maîtres des écoles ainsi que les professeurs certifiés et agrégés,
précisément parce qu’ils sont fonctionnaires d’Etat, ne sont pas les agents du gouvernement, ni de la majorité
politique, mais les serviteurs de la République, attachés à la formation du citoyen par l’instruction. Il est de leur
devoir de dénoncer un projet de loi qui la met gravement en péril.

Force Ouvrière revendique le retrait de ce projet dans sa totalité.

Nous restons à votre disposition pour approfondir l’ensemble de ces éléments.

Nous vous remercions par avance de l’intérêt que vous porterez à notre envoi et vous prions de croire, Mesdames
et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les Députés, à l’expression de nos plus vifs sentiments républicains.

Catherine ROCHARD